mardi 12 novembre 2013

Le Juge Ment !


Il m'apparait que la question n'est pas de ne pas juger, car toute évaluation est un jugement, tout idée, tout énoncé est un jugement, et sinon est de la même essence mentale que lui.
"La rose sent bon" est une constatation qui peut être comparée à un jugement, pourquoi ? Parce qu'il y a plaisir, prise de conscience du plaisir, constatation de l'objet qui est la cause du plaisir, et énonciation de cette série d’événements en un raccourci :  il y a un jugement favorable sur la rose par l'adjectif 'bon'.
Le vrai aurait été mieux cerné si j’avais dit : « cette fleur a opéré en moi la perception d’une odeur qui a provoqué des sensations agréables, et mon mental se sert de cette mémoire pour qualifier la rose ». Ainsi on n’aurait pas été centré sur la cause supposée, mais aurait rendu compte de sa propre expérience. Car il se pourrait en fait très bien que cette odeur soit perçue par quelqu’un d’autre comme extrêmement désagréable, (supposons) !
La même chose pourrait être dite sur les jugements défavorables : "la poubelle sent mauvais."

Si j'applique cette même façon de faire et de dire aux relations humaines, ça devient source de difficultés à cause du fait que l'autre peut se sentir blessé par le miroir qu'on lui tend par des propositions du genre « t'es con » (ou flatté « t’es génial »). Pire encore si on met un article : « t’est UN con, t’es UN génie » comment ne pas se sentir concerné au plus intime par ces formulations ! Car si je ne suis pas éveillé à ma vraie nature et que je m’identifie à ce que dit l’autre, faute de connaître qui je suis vraiment, il y a danger d’être blessé, ou de voir s’exciter un orgueil inapproprié.
Forts de ces constations continuons l’investigation.

Première question : d’où vient la blessure, ou le plaisir ?
Réponse : de mon ignorance de moi-même et non pas du jugement, donc.
Deuxième question : est-il possible de ne pas juger du tout ?
Réponse : oui si on reste en permanence dans le non agir, le non moi, l’état de non pensée. C'est-à-dire que, en pratique, il est quasiment impossible de ne pas porter des jugements dès lors que l’on commence à définir les choses de façon à les énoncer, en se servant donc du mental pour communiquer avec autrui. Pourquoi ? Sans doute parce qu’il est plus simple d’identifier et raccourcir les propositions plutôt que signifier laborieusement en quoi je parle de ma perception subjective de la chose, et non de la chose objective elle-même qui reste de fait dans le domaine de l’inconnu, chacun n’en ayant qu’une perception subjective, toutes ces perceptions n’étant pas identiques.

Conclusion (provisoire) en forme de question :
S’il est impossible de ne pas juger du tout dès lors qu’on pense, la question véritable est : « comment apprendre dans les relations à formuler une opinion, une idée, une perception d’une façon qui ne soit pas perçue comme ‘jugement’ (donc expression d’une autorité, d’un pouvoir coercitif qui se permet de disposer de la liberté ou de la vie d’autrui, car le jugement appelle, en droit judiciaire, la sanction ou l’absolution et même la récompense, c’est ainsi que nous sommes socialement conditionnés.) »

Conclusion (provisoire) en forme de réponse : Centrons notre communication relationnelle sur notre propre ressenti, surtout s’il est négatif : « Je suis blessé par ce que tu viens de me dire, car ceci et cela », et non pas « tu es méchant, mauvais, stupide, etc. de m’avoir dit cela… » Car quand le ressenti est positif, bizarrement, personne ne songe à dire « ne juge pas ! » : on adore s’entendre dire : « tu es un amour, un ange, mon bienfaiteur… » plutôt que : « j’aime ce que tu me dis, cela me renforce dans une image valorisante de moi ».

Pourquoi en est-il ainsi ? Non à cause d’un quelconque jugement, je l’ai dit, mais à cause du fait que nous sommes sans cesse portés à nous identifier aux propositions d’autrui, pour les ajouter au magasin des masques des représentations de nous-mêmes.

La connaissance de notre vraie nature nous délivre des jugements d’autrui, même si le réflexe conditionné nous porte encore à préférer la flatterie que l’insulte, ces définitions de nous par les autres n’ont plus le pouvoir de réactiver nos blessures secrètes, car l’éveil à notre vraie nature aura entre temps opéré un assainissement de cette partie douloureuse de soi-même.

(Boutade : comme son nom l'indique, le mental ment... et donc le juge... ment aussi !)

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